L’idée est dans l’air depuis un moment : les européens ont perdu leurs valeurs, notre monde est désenchanté. En conséquence, nos enfants sont des proies faciles pour les nouvelles idéologies radicales, le retour du religieux et l’irrationalisme.
Pas de panique, la rhétorique dispose d’un remède pour une société en perte de repères.
Toujours trois il y en a
Pour les anciens, il était évident que la pérennité d’une communauté démocratique supposait un équilibre trois types d’institutions :
- Des institutions délibératives, où l’on discute des choix politiques, des choix budgétaires, des choix financiers et des lois.
- Des institutions judiciaires, où l’on détermine si un comportement a enfreint les règles et où l’on discute, le cas échéant, des sanctions à mettre en œuvre.
- Des institutions épidictiques, où l’on entretient la fierté d’adhérer à une communauté de valeurs et de destin.
Les anciens avaient donc compris que la démocratie est le meilleur système politique mais que c’est aussi le plus fatiguant. En effet, lorsque nous débattons de n’importe quel sujet de société, nous nous divisons non seulement sur des faits, mais aussi sur des visions du monde, sur des systèmes de valeurs. C’est fatiguant, surtout dans une société multiculturelle comme la nôtre. Le genre épidictique correspond alors à un besoin d’entretenir, malgré tout, un sentiment de fraternité.
La critique, oui, le cynisme, non
Les pays européens, et tout particulièrement la France, manquent cruellement d’institutions épidictiques et de connaissance pratique de la rhétorique épidictique. Cela vient de notre tradition philosophique, de notre culture. L’esprit européen, et c’est ce qui a fait notre grandeur, est un esprit critique. Par conséquent, nous sommes très vigilants à un type de menace sur la démocratie : la dérive vers une société où les institutions de débat contradictoire disparaîtraient et où une propagande d’État chercherait à imposer une pensée unique.
Or, la crise que nous traversons actuellement est plutôt la crise d’une société qui n’a pas aménagé d’institutions chargées de renforcer l’adhésion à des valeurs communes. Cela se traduit par des phénomènes de blocage et de communautarisation. Nous valorisons tellement l’esprit critique, le débat contradictoire, le questionnement et la différence que nous avons laissé le travail sur la fierté, mais aussi sur le sens de notre destin commun, à des institutions qui ne sont ni laïques, ni républicaines : la religion, la communauté culturelle ou ethnique.
Revivifier nos valeurs: un travail rhétorique
Mais il faut faire attention, et c’est ce qui rend si difficile la compréhension du discours épidictique : la solution ne consiste pas à redéfinir nos valeurs, il s’agit de les revivifier. Il s’agit de les incarner dans des discours qui galvanisent.
En effet, si on creuse un peu, nos valeurs européennes sont toujours aussi belles et claires qu’à la révolution copernicienne, qu’à la fin de l’ancien régime ou qu’après la victoire sur le nazisme : progrès, raison, critique, universalisme.
Les européens furent les premiers à sortir d’une société d’ancien régime, basée sur le dogme et sur des relations inégalitaires entre les hommes et à construire un monde basé sur l’exercice de la raison et sur le principe de l’égalité entre tous. Il y a là beaucoup de matière à être fiers.
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